FINALE 2005 MILAN AC-LIVEPOOL: La définition du football en un match

Il doit être 21h45 quand ce 25 mai 2005, les 70 000 spectateurs du stade olympique Atatürk s’apprêtent à assister à l’opposition de deux clubs mythiques venus remporter la cinquantième Ligue des Champions. Lors des 120 prochaines minutes, ils seront les témoins privilégiés du « miracle d’Istanbul ».

Le Liverpool FC sacré champion  ©CC/ google image

Le Liverpool FC sacré champion
©CC/ google image

Demandez à un cinéphile et à un passionné de football s’ils ne se lassent pas de la passivité redondante de leur activité favorite. Leurs réponses respectives ne devraient pas différer de beaucoup tant la diversité d’acteurs et de scénarios possibles alimente, dans les deux cas, un intérêt constant. Pourtant, ce jour-là, aucun scénariste aussi créatif soit-il n’aurait pu prédire ce qui allait se dérouler. En 2005, Liverpool s’est qualifié de justesse pour la compétition en finissant quatrième du championnat anglais lors de la saison précédente, loin derrière Manchester United. Ils ne sont guère mieux classés avant ce match qui, à lui seul, peut régénérer la stature triomphante du club qui n’a plus gagné de titre majeur depuis 20 ans et la coupe des clubs champions européens 1984, mis à part une coupe de l’UEFA en 2001. C’est la finale perdue de 1985 et le drame du Heysel qui marquent le début d’une perte de rayonnement pour le club de la Mersey qui obtient sa place en finale à la hargne face à Chelsea en demi-finale. L’enjeu est trop important. Redorer le blason face au grand Milan qui traverse certainement l’une de ses plus belles époques. La dream tram d’Ancelotti, championne d’Italie en titre et vainqueur de l’avant dernière édition de la compétition, s’est hissée tranquillement jusqu’ici, sans accroc. En demi-finale face au PSV d’Eindhoven étrillé à l’aller, ils s’étaient cependant fait peur au retour en laissant trop jouer l’équipe, pourtant très inférieure sur le papier… Après ce match, le coach italien, n’appréciant que moyennement ce comportement, exhorta ses joueurs d’apprendre de cette confrontation. Malgré tout, le Milan AC se dirige vers le titre en championnat une année de plus et jouit d’un effectif exceptionnel.

11 de départ du Milan AC pour la finale de Ligue des Champions 2005

11 de départ du Milan AC pour la finale de Ligue des Champions 2005 © CC Flickr

C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux du monde du football dès la première minute du match lorsque le but le plus rapide de l’histoire des finales de Ligue des champions est inscrit après 52 secondes par Paolo Maldini, capitaine emblématique des Rossoneri. Les Reds aussi ont un capitaine emblématique, qui a lui seul incarne une personnalisation de l’identité liverpuldienne.  Mais pour l’instant, cela ne transparait pas tandis que le milieu de terrain milanais asphyxie l’adversaire, Seedorf et Gattuso permettent à Pirlo d’orchestrer en toute tranquillité les contres relayés par Kàkà, le futur Ballon d’or. Il distille des passes exceptionnelles qui lancent le duo Shevchenko-Crespo dans des conditions idéales. L’Argentin inscrit un doublé à la fin de la première période. La vidéo de son second but s’assurant par la même occasion une place définitive dans les écoles de football au chapitre « Lecture du jeu ».

L’IMPOSSIBLE DEVIENT POSSIBLE

La côte est alors à 359 contre 1 quand les quarante mille supporters anglais entonnent un « You’ll never walk alone » aussi transcendant qu’il l’aurait été à Anfield aux dernières minutes d’un match dominé par Everton. Benitez remplace Finan par Hamann, réduit sa défense à trois et place Gerrard latéral droit. Autant d’éléments déclencheurs d’un retournement de situation mythique, car si le football trouve sa définition dans ce match, le rôle de capitaine s’illustre également parfaitement au travers du numéro 8 qui déclenche la révolte éclaire à la 54e minute sur une tête décroisée. L’image du patron qui harangue ses troupes restera. Hamann arrive à contenir Kàkà permettant à Gerrard de presser Pirlo qui ne détient plus les rênes. Milan se démobilise  et dans une apathie générale concède un second but dans la foulée et prend peur. Cinq minutes plus tard, le capitaine héroïque de 25 ans fait preuve d’expérience en obtenant un penalty salvateur que Xabi Alonso transformera, en deux temps … En 6 minutes, la grinta que l’on croyait sud-américaine obtient elle aussi une définition, elle a même un accent british.

Steven Gerrard remobilise ses coéquipiers après avoir inscrit le premier but de Liverpool.

Steven Gerrard remobilise ses coéquipiers après avoir inscrit le premier but de Liverpool. © CC/ Wikimedia commons

Les prolongations et la fin du match élèvent un nouveau personnage au rang de héros, car ces dernières minutes sont le théâtre d’un duel entre deux hommes: le Ballon d’or en titre Andreï Shevchenko et le portier polonais issu du GKS Tychy, Jerzy Dudek. En effet, s’il délivre une passe décisive sur le deuxième but milanais, Shevchenko se heurte à un véritable mur après s’être vu refusé un but semblant valable en première période. Dudek repousse d’abord une frappe lourde de l’Ukrainien sur coup franc, mais surtout il lui oppose un double arrêt monumental à la 117e minute qui paraît décomposer littéralement le redoutable finisseur. Il était seul, à un mètre, peut être même moins. Il a frappé fort, autant qu’il pouvait, mais c’est un bras en béton qu’il a touché, dans un réflex inespéré du dernier rempart des Reds portant cette appellation à merveille. On le croit même en transe quand il se met à danser sur sa ligne devant ses opposants  lors de la séance de tirs au but, spectacle aussi improbable qu’inédit, mais efficace aussi. Serginho puis Pirlo manquent leurs tirs, quand Sheva se présente, il n’a pas le choix et doit marquer. Mais Dudek semble avoir déjà remporté son duel du soir, il va donner lui même le ballon avec un air de défi à l’avant centre qui le pose à terre le regard fuyant. Il est sorti de son match. Il regarde le ciel, le tableau d’affichage, mais jamais le but ou son vis à vis. Il s’élance devant des feintes incessantes. La frappe est molle, plein centre. Le miracle a eu lieu.

Jerzy Dudek déstabilisant Andrei Shevshenko lors de la séance de tirs au but.

Jerzy Dudek déstabilisant Andrei Shevshenko lors de la séance de tirs au but. © CC/ Flickr

John Barrot

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